« Peintre toi la langue » ou toucher poétiquement la chair du langage, est le mot d’ordre de ma peinture. Parti d’un lapsus d’une phrase de Matisse « peintre coupe-toi la langue », l’inconscient fait oeuvre en omettant le verbe couper, la parole se meut en matière picturale.

Profondément animée par l’engagement du corps par la parole, j’ai exploré différents territoires pour arriver, en deçà et au delà des mots, à la peinture. Je me nourris de mots, m’arrime à des voix, écoute et peins. La voix de Valère Novarina, à travers sa prose poétique et théâtrale est l’élément choc déclencheur « va jusqu’où les mots rebroussent chemins ». C’est l’écho que j’attendais pour faire surgir l’image.

Aucun mot dans ma peinture, ils sont mangés, dévorés, mâchés pour en extraire les rythmes, les sons, les ondes, les cris, les signes. Ma peinture est une scription qui part à l’aventure : c’est quoi un corps qui parle? L’aventure d’une langue imaginaire qui se cherche primitive, animale. L’aventure d’une écriture qui se cherche organique. Entre ligne et couleur. 

La musique est le premier matériau intégré à l’oeuvre. Elle me permet d’éloigner les mots, pour que mon corps tout entier trouve le rythme, et que le tableau se mette en mouvement.

Les outils que j’ai choisi, bâtonnets à l’huile ou au pastel à l’huile, me permettent d’être au plus proche d’une écriture non calligraphique. Ils me donnent la possibilité de me contorsionner pour suivre le mouvement intérieur, ils n’interrompent pas mon geste car sont matière continue. La matière est charnelle. Son rendu mate grumeleux lui donne un côté brut et sauvage. Le papier se fait support fragile d’une inscription épaisse où mes couleurs se côtoient crues, vives, franches puis s’entremêlent. 

C’est un pari de leur résonance, l’harmonie des voix, la choralité, à chaque fois. Voix qui s’accordent et/ou s’entrechoquent.

Langage et peinture sont relation.